«Il y a une fierté au travers de la langue, mais pas une fierté égoïste, c’est une fierté de partage»

Was bedeutet Literatur für dich? Während beispielsweise Video-basierte Medien wie TikTok immer mehr an Popularität gewinnen, scheinen Bücher und Zeitungen immer mehr aus den Händen von Pendler*innen zu verschwinden. Der französische Literaturwettbewerb «Choix Goncourt de la Suisse» jedoch hält die Liebe zur Literatur am Leben. Er motiviert Studierende in der ganzen Schweiz, die Rolle eines Jury-Mitglieds zu übernehmen. Sie diskutieren dann darüber, welches Buch zum Sieger gekrönt wird. Die französische Botschaft – und somit auch Marion Paradas – übernimmt die Koordination. Die Details zu ihrem Lieblingsbuch des «Choix Goncourt de la Suisse» und ihrer Arbeit als Botschafterin in der Schweiz verrät sie uns in diesem Interview.
Jannick Teixeira: Madame l’Ambassadrice, quel est votre livre préféré dans le Choix Goncourt de la Suisse ?
Marion Paradas: Il y a eu en 2017 un Choix Goncourt, L’Art de perdre, d’Alice Zeniter qui est certainement l’un des livres que j’ai le plus aimés ces dernières années. C’est un roman sur un sujet difficile qui retrace l’histoire d’une famille venue d’Algérie qui s’installe en France au moment de l’indépendance de ce pays. Je suis originaire du sud de la France, où se sont établies nombre de ces familles, et j’ai connu ceux que l’on appelait des «harkis». C’est une histoire méconnue et un roman absolument magnifique.
Qu’est-ce qui distingue la littérature française des autres littératures ?
Je pense que l’amour de la langue française est une chose très particulière à la France. Cette langue nous la portons comme notre drapeau. Aux fondements de la littérature française, il y a pour moi d’abord cet amour de la langue qui a aussi participé à la création de l’unité nationale en France. Mon grand-père a appris le français à l’école, lui qui parlait le provençal en famille. C’est cette imprégnation du français qui caractérise aussi la littérature française au-delà de la diversité d’un pays, des territoires et des expériences. Il y a une fierté au travers de la langue, mais pas une fierté égoïste, c’est une fierté de partage.
Pourquoi est-ce que la France a comme but de diffuser la littérature française en Suisse ?
La littérature est un aspect très important de la culture française. Le livre comme le cinéma, et bien d’autres domaines artistiques, est considéré comme une industrie culturelle. L’industrie du plaisir de lire, de découvrir, et de se forger un avis. Mais le livre est aussi un élément de l’économie au-delà de la pure culture. Diffuser la littérature française en Suisse, c’est surtout pour nous l’occasion de tisser un réseau avec les universités et les institutions suisses qui nous aident dans cette mission.
On reproche parfois aux jeunes qu’ils ne lisent plus et qu’ils ont désappris à écrire. Que pensez-vous de cette affirmation ?
Effectivement. J’ai reçu les résultats d’une enquête qui a été conduite par le Centre National du Livre en France, réalisée entre 2016 et 2024. Cette enquête a consisté en quatre études distinctes auprès d’un public âgé de 7 à 19 ans et constate que les jeunes lisent beaucoup moins. Ils passent dix fois plus de temps sur les écrans qu’à lire et 19 % d’entre eux affirment même ne pas aimer lire. C’est une tendance qui ne va pas s’arrêter, c’est pourquoi il faut continuer de prendre des initiatives qui redonnent le goût à la lecture. Il n’y a jamais eu 100 % des gens qui passaient leur temps à lire des livres. Mais il est vrai que l’on en voit de moins en moins, si vous prenez le train ici, entre Berne et Zurich par exemple, vous remarquerez quelques personnes avec un journal ou un livre mais les trois-quarts des autres sont sur un téléphone. J’ai moi-même souvent un livre dans mon sac et puis j’ai tellement de choses à regarder concernant les actualités que je passe un trajet complet sur mon téléphone. Ce constat ne concerne pas que les jeunes, c’est notre époque. Néanmoins, les initiatives des écoles et des universités comme les rencontres avec des écrivains, peuvent être un moyen de ramener les jeunes à la lecture. Mais il faut avoir envie de le faire. Et pour avoir envie, il faut aussi y avoir accès et accepter la difficulté qui est un peu plus grande de faire l’effort de lire.
Diffuser la littérature française en Suisse, c’est surtout pour nous l’occasion de tisser un réseau avec les universités et les institutions suisses qui nous aident dans cette mission.
Quelles sont, selon vous, les plus grandes différences entre les Romands et les Français ?
Il existe une proximité évidente entre les Romands et les Français, nous partageons les mêmes valeurs, la même éducation et une certaine vision du monde. On ne peut donc pas dire qu’on soit si différents. Par ailleurs, il est vrai que chaque pays a ses spécificités, et c’est aussi ça qui fait la richesse de l’Europe. Par exemple, ce qui est très appréciable et apprécié en Suisse, c’est le temps qu’on prend à la réflexion, peut-être plus qu’en France. Lorsqu’on écoute les médias, le ton est très différent. Le matin, j’aime bien d’abord écouter la RTS, et puis France Inter. En Suisse, le journaliste n’interrompt pas la personne qu’il interroge, il y a cette écoute qui est peut-être plus forte. Mais finalement, il y a beaucoup de respect des Romands pour ce qui se passe en France sur le plan culturel et économique, et cela est évidemment mutuel : il suffit de regarder le nombre d’étudiants français qui sont attirés par l’EPFL ou par les universités suisses.
Y a-t-il des domaines en Suisse dans lesquels se reflète la culture française ?
D’abord, il y a une grande tradition d’échanges. Depuis des siècles, les artistes français viennent en Suisse et les Suisses vont en France. Ces échanges ont imprégné nos deux cultures. On partage beaucoup de valeurs fondamentales sur la démocratie et sur la liberté d’expression. Il y a toujours eu beaucoup de liens entre nos deux pays, que nous continuons à voir aujourd’hui. D’ailleurs, c’est assez amusant lorsque des Suisses se confient sur l’origine de leurs cantons nés après la Révolution française et le passage de Napoléon. Un impact finalement assez positif puisque certains des cantons ont pris leur autonomie au sein de la confédération grâce aussi aux idées françaises. Mais la Suisse nous a aussi donné la valeur de la liberté de culte en accueillant les Protestants qui fuyaient la France, une preuve de nos influences réciproques. Des influences que l’on retrouve aussi dans l’art de vivre : l’art de la table et de l’œnologie. Mais je pense également à l’horlogerie. Des artisans français sont venus en nombre travailler en Suisse. C’est dans cet arc jurassien qu’on partage cette capacité à travailler de manière extrêmement précise, à la perfection. On voit combien beaucoup de qualités suisses sont mises en valeur en France et combien de valeurs françaises sont également reconnues et appréciées en Suisse.
Néanmoins, les initiatives des écoles et des universités comme les rencontres avec des écrivains, peuvent être un moyen de ramener les jeunes à la lecture.
Comment doit-on s’imaginer la vie quotidienne d’une ambassadrice à Berne ?
Le travail d’ambassadrice couvre de nombreux sujets. Il y a la relation politique, évidemment, qui rythme mon année et porte sur les grands thèmes des relations bilatérales au niveau fédéral, et au niveau cantonal. Le côté économique est également très important, je me déplace beaucoup en Suisse à la rencontre des entreprises suisses qui investissent en France et des entreprises françaises qui s’implantent en Suisse. Sur le plan universitaire, je suis aussi régulièrement invitée par les autorités des universités ou des écoles polytechniques, mais aussi d’autres hautes écoles comme la Haute École Arc dans le Jura. Par ailleurs, j’organise à la résidence de France à Berne, de nombreux événements qui permettent aux représentants de la communauté d’affaires ou du monde de la culture de se rencontrer. Enfin, je ne dois pas oublier que nous sommes des pays voisins. Il y a de nombreux sujets liés aux relations frontalières comme le transport, la santé, nos rivières et nos fleuves. Nous suivons aussi de près le dossier européen. Les relations bilatérales avec l’Union européenne sont un des sujets où l’on essaye d’apporter notre soutien. Donc si vous voulez savoir ce que fait une ambassadrice, et bien elle ne s’ennuie pas ! (rire)
Est-ce que vous parlez fréquemment à Karin Keller-Sutter ou Ignazio Cassis ?
J’ai rencontré tous les conseillers fédéraux même si aujourd’hui, nous ne nous voyons pas très fréquemment parce que ce sont des ministres très pris, et la présidente l’est certainement encore plus. Mais nos relations, que ce soit avec moi ou nos plus hautes autorités françaises, sont excellentes !
Quels ont été vos plus grands défis par le passé en tant qu’ambassadrice ?
Quelques mois après mon arrivée en Suisse, nous avons accueilli le président de la République, un défi pour moi en poste depuis seulement trois mois. Un temps court pour rencontrer tous les conseillers fédéraux, la communauté française, et toutes les institutions indispensables à connaître avant de recevoir le président. Une visite présidentielle est toujours un événement assez complexe à organiser. Mais ça a été un grand succès. Un défi aussi pour toute mon équipe qui a beaucoup travaillé.
Ce qui est très appréciable et apprécié en Suisse, c’est le temps qu’on prend à la réflexion, peut-être plus qu’en France.
Qu’est-ce que vous voulez faire après avoir été ambassadrice en Suisse ?
Malheureusement, après ça risque d’être la retraite ! (rire).
Ce n’est pas mal non plus, ça !
Oui, mais j’aime bien être ambassadrice en Suisse (rire). Je n’ai pour le moment pas d’idée très particulière après ma mission ici.
Et cette année, qu’attendez-vous avec le plus d’impatience?
Ce que j’attends avec impatience cette année, c’est l’été avec tous les festivals en Suisse. Ça c’est vraiment un grand moment de plaisir, parce qu’on fait beaucoup de choses sérieuses toute l’année, et puis là on entre dans une période où il y a tellement de choses passionnantes qui vont se dérouler. J’ai déjà commencé à repérer les différents festivals, il y aura Montreux, Verbier, Locarno, le Paléo Festival aussi à Nyon. C’est merveilleux cela, il y a tant à faire !

Marion Paradas, französische Botschafterin in der Schweiz
Text: Jannick Teixeira
Bilder: Victoria Habermacher